Carlucet, son église, ses enfeus

Le village est dominé par l’église Ste Marie-Sainte Anne. De style romano-byzantin, elle abrite un magnifique retable ainsi qu’un vieux bénitier et donne accès à un cimetière à enfeus dont les tombes sont placées dans l’épaisseur du mur. Pour accéder à l'église du XIème siècle, il faut entrer sous le clocher-porche qui est aussi l’entrée du cimetière à enfeus. Dans cet espace, on peut découvrir plusieurs panneaux explicatifs décrivant l’historique du bâtiment mais aussi différents ornements qui se trouvent dans l’église ainsi que les détails composant les éléments du retable.

L’église de Carlucet et son cimetière à enfeus

EVOCATION HISTORIQUE

Carlucet fut une paroisse indépendante jusqu’à la Révolution puis une commune indépendante avant d’être réunie à St Crépin par ordonnance royale du 28/12/1825.

Son nom vient du latin castellium, lui-même dérivé de castrum qui signifie site fortifié ; le suffixe « et » étant réducteur indique un petit bourg fortifié, perché sur un tertre ; son église compte parmi les plus anciennes du Périgord, le bourg était juridiquement placé dans la mouvance de la châtellenie de Salignac mais l’église comme celles de six autres paroisses du canton dépendait du diocèse de Cahors. Elle fut assez richement dotée au 17ème siècle par les générosités du curé François de Costes, descendant direct des Costes de la Calprenède de Toulgou, et paraît avoir été bien entretenue jusqu’en 1789 malgré des différends houleux avec les successeurs de l’abbé au sujet de l’hérédité de ce dernier.

A la révolution, la maison presbytérale et son mobilier sont vendus aux enchères tandis que l’église est fermée et réservée aux célébrations décadaires républicaines. Le curé d’alors nommé Jean-Baptiste Fabre, prêtre réfractaire est promis à « l’exportation» , entendons par là le bagne. Par bonheur il évite l’embarquement pour la Guyane mais ne reviendra jamais à Carlucet.

Après le Concordat de Bonaparte (1801) l’église retrouve sa fonction, gérée par une «fabrique», c’est à dire une association de paroissiens appelée syndics fabriciens. Elle sera desservie jusqu’en 1905 par des prêtres dits concordataires devenus en quelques sortes des fonctionnaires de l’État.

L’ancien prieuré et le cimetière sont inscrits au titre des monuments historiques le 12 octobre 1948.

L’église de Carlucet après la chute de son clocher en 1944. A droite, le presbytère avec son toit de lauze. (Photo DRAC Aquitaine)

Cependant, au cours des décennies, le bâtiment se dégrade, le mobilier se détériore et devient la proie d’amateurs peu scrupuleux.

En 1968, il semble que le sort du bâtiment soit scellé ! L’architecte des Bâtiments de France déclare « ça fera une belle ruine » !

En 1974, les autorités préfectorales demandent au maire le dépôt du beau mais fort abîmé retable du 17ème  pour l’intégrer dans les collections du futur musée de Sarlat. Les habitants de Carlucet s’y opposent énergiquement. La presse se fait l’écho de leur revendication : un article dans le journal Sud-Ouest éveille les consciences. La municipalité monte alors un dossier auprès du Ministère des Affaires Culturelles.

Le 6 octobre 1977, l’édifice est classé monument historique, le mobilier sera classé quelques années plus tard, l’ensemble sera ainsi sauvé.

PRESENTATION ARCHEOLOGIQUE

Sous le vocable de Ste Marie et surtout de Ste Anne, l’église de Carlucet fut toujours paroissiale.

Sa construction remontant au début du 12ème  siècle, certains parlent d’un édifice romano byzantin c’est à dire datant des premiers temps de l’art roman.

Le Narthex ou clocher-porche donne accès à l’église elle-même et au cimetière ; il a été plaqué contre l’église au 17ème siècle.

  • On pénètre dans la nef par un portail à trois voussures brisées sous une archivolte

  • Nef unique suivie d’un chœur à abside polygonale, l’ensemble paraissant daté du 12ème siècle. La nef est bloquée d’un berceau plein cintre en blocage (petit appareil).
  • Nef accostée au nord d’une chapelle peu profonde sous berceau brisé transversal et au sud d’une chapelle voûtée plein cintre toutes deux du 17ème siècle.

  • L’arc triomphal qui sépare le chœur de la nef est un arc brisé qui retombe sur des colonnes engagées. Les chapiteaux ont une corbeille sculptée de feuilles plates et de sorte d’acanthes. La colonne nord a été cisaillée lors de l’installation d’une chaire. Celle du sud a encore son soubassement profilé d’un cavet (moulure concave) entre deux tores (grosses moulures saillantes appelées aussi boudins).
  • Le chœur est voûté d’un berceau qui suit sans transition le cul de four de l’abside polygonale.
  • Sept arcs d’applique brisés entourent le chœur et l’abside retombant sur des colonnettes dont les chapiteaux ont un tailloir chanfreiné, une corbeille sculptée de feuilles d’eau ou d’animaux formant  chiasme (c’est à dire se croisant).

Carlucet – Porte du cimetière

A Carlucet, un même porche ouvre sur la maison de Dieu et l’enclos des morts : la foi de nos aïeuls ne les dissociait pas. D’après le chanoine Brugière, c’est ce même François de Coste, curé de 1670 à 1713, qui fit construire le cimetière qui possède une particularité rare : les tombes sont logées dans l’épaisseur des murs.  On appelle cela des enfeus (avec s et non un x)  du latin infodera (creusé dedans).

Carlucet – Le cimetière à enfeus

Les  enfeus de Carlucet sont avec ceux de St Léon sur Vézère les plus beaux du Périgord : 16 tombes, la plupart sous des arcs en plein cintre, mesurant environ deux mètres  de long et un mètre de profondeur.

UN MOBILIER D’EXCEPTION

En entrant à gauche, dans la nef, on trouve une très belle cuve baptismale du 12ème siècle moulurée de filets et de tores.

  • Dans la chapelle nord, un autel en pierre surmonté d’un retable avec huile sur toile représentant la remise du  Rosaire à Ste Catherine et à St Dominique par la Vierge et l’Enfant début 17ème.
  • Dans la chapelle sud, un autel en bois naturel dominé par un retable en bois sculpté contenant une huile sur toile représentant la Sainte Famille.
  • Sur le maître autel, un exceptionnel retable du 17ème en noyer du Périgord sculpté et polychromé :

Sur les panneaux latéraux du retable de l’église de Carlucet, scènes de la Passion :

  • Au dessus du premier gradin, sur la porte du tabernacle figure le Christ, en croix. Au pied de la croix, probablement Marie Madeleine éplorée. De part et d’autre du tabernacle deux panneaux de bois polychromés évoquant des scènes de la passion selon St Mathieu.
    Toute la construction sculpturale de l’édifice, évoquant la passion du Christ, s’élève vers la résurrection, sous la protection de Dieu le père, sommant l’encadrement sculpté de chutes de fruits et de têtes d’angelots aux ailes verticales d’une huile sur toile de grandes dimensions (220 x 166) représentant la crucifixion ;  tableau daté de 1682.
  • Deux grandes statues en bois doré ont été placées de chaque côté du retable pouvant évoquer Ste Scolastique et St Benoît. Ces statues ont été heureusement conservées par des paroissiens pendant plusieurs décennies pour éviter le pillage, il faut les en remercier.

  • La table de communion à balustres est du 17ème siècle.
  • Les vitraux et le chemin de Croix sont du 19ème.
  • Signalons sur le mur nord du chœur, des traces du décor d’origine retrouvé sous l’enduit.

CONCLUSION

Cet ensemble architectural et artistique de très bonne qualité a bien mérité les efforts consentis par la municipalité avec l’aide de l’État pour sa conservation et sa mise en valeur.

Il méritera aussi dans un futur proche d’être mieux présenté et expliqué aux nombreux touristes de passage aimant notre patrimoine historique rural, sans toutefois l’exposer aux prédateurs.

La Vierge et l’enfant Jésus, en bois polychrome du XVIIème siècle. Elle ornait la niche au bord de la route, à l’angle du jardin du presbytère et se trouve actuellement dans l’église.

A partir du village de Carlucet, on peut également partir à la découverte du petit patrimoine (lavoirs, cabanes). Grâce aux sentiers de randonnée qui parcourent les coteaux et les vallées, on peut effectuer plusieurs boucles à son gré et selon ses envies.

En savoir plus avec :

(Article extrait du texte écrit par Mme Annick LEBON-HENAULT pour le bulletin municipal 2008/2009)

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